Objet: aide d’État accordées à la SASP Olympique Lyonnais par France-Département du Rhône-communauté urbaine de Lyon
Madame le Commissaire,
Nous souhaitons porter à votre attention, sur le fondement des articles 81 et 82 du traité de la Communauté Européenne l’aide accordée par l’État français, le département du Rhône, la Communauté Urbaine de Lyon, le Syndicat de Transports de l’Agglomération Lyonnaise (SYTRAL) et la ville de Décines à la Société Anonyme Sportive Professionnelle «Olympique Lyonnais» pour un montant cumulé de 180 millions d’Euros dans le cadre de la construction envisagée d’un stade de football de 60.000 places sur le territoire de la commune de Décines.
I/ Présentation de l’association de contribuables CANOL
L’association CANOL, créée le 22 octobre 1999, a pour vocation l’information et la défense des intérêts des contribuables du département du Rhône et plus particulièrement les actions amiables ou contentieuses devant les tribunaux compétents contre les collectivités territoriales et les établissements publics dont la gestion et les décisions peuvent avoir une incidence sur la fiscalité locale des habitants du département du Rhône, tels que décrits aux articles 2 et 2bis de ses statuts.
Elle regroupe actuellement 1.200 membres actifs à jour de leur cotisation.
II/ Présentation des collectivités dispensatrices des aides et du club sportif bénéficiaire
1) NATURE DES AIDES DE LA COLLECTIVITE PUBLIQUE
Les aides sont octroyées sur la période 2007-2013 sous forme d’études (achevées et en cours) et de création d’infrastructures (prévues à partir de 2011) financées sur fonds publics (routes, parcs de stationnement, échangeur, viabilisation de terrains, transports collectifs) permettant ou facilitant l’accès à un stade privé, propriété exclusive de la société Olympique Lyonnais.
Un protocole d’accord daté du 13 octobre 2008 identifie la nature des aides.
2) LES AUTORITES, COLLECTIVITES ET ETABLISSEMENTS DISPENSATEURS DES AIDES
- L’État représenté localement par le préfet du Rhône, M. Géraut, compétent pour les opérations d’aménagement, études et opérations relevant directement du pouvoir central.
- La Communauté Urbaine de Lyon ou «Grand Lyon», établissement public de coopération intercommunale présidé par M. Collomb regroupant 57 communes. Le Grand Lyon assure l’initiative, la coordination et le suivi des opérations d’aménagement et de construction du Grand Stade (délibérations, modification du Plan Local d’Urbanisme,…
- Le département du Rhône et son assemblée représentative le Conseil Général du Rhône présidé par M. Mercier regroupant 55 cantons.
- Le Syndicat des Transports de l’Agglomération Lyonnaise (ci après désigné « SYTRAL »), autorité organisatrice des transports de l’agglomération lyonnaise présidée par M. Rivalta.
- La ville de Décines-Charpieu dont le maire est M. Crédoz, commune membre de la Communauté Urbaine précitée, qui accueillera le stade sur son territoire (site dit du « Grand Montout »).
3) LE BENEFICIAIRE DE L’AIDE
Il s’agit du groupe «Olympique Lyonnais», société anonyme à objet sportif au capital de 14 155 304 €, ayant son siège 350 avenue Jean Jaurès, 69007 Lyon, faisant un appel public à l’Epargne, présidée par M. Aulas.
L’Olympique Lyonnais agit en tant que maître d’ouvrage pour l’ensemble des opérations de construction du stade de 60.000 places pour un montant estimé à 300 millions d’euros.
III/ Le montant des aides
Aucun document officiel validé par les élus sous la forme d’une délibération juridiquement opposable ne vient évaluer le coût des travaux de construction des aménagements nécessaires pour l’accès au stade.
Un cabinet privé (DTZ immobilier) a évalué en décembre 2007 à 143 millions d’euros le montant total des investissements publics dans l’opération, ainsi répartis :
- Grand Lyon : 81 M€
- SYTRAL : 32 M€
- État : 30 M€
Les pouvoirs publics évoquent désormais un coût global de 180 millions d’Euros.
IV/ Rappel des faits
La ville de Lyon est actuellement propriétaire d’un stade de 42.000 places (« stade de Gerland ») qu’elle met à la disposition de la société Olympique Lyonnais moyennant le versement d’une redevance d’occupation d’un million d’euros par an.
En février 2007, le Président de la Communauté Urbaine décide d’installer le nouveau stade de l’Olympique Lyonnais sur le territoire de la commune de Décines lieudit «Grand Montout» situé à 16 kms du centre de la ville de Lyon.
Le projet prévoit l’installation sur une cinquantaine d’hectares d’un complexe sportif et d’un centre commercial diversifié.
Le secteur est composé dans sa quasi-totalité de terres agricoles non viabilisées. L’aménagement d’un stade de 60.000 places nécessite la construction de voies d’accès nouvelles et dédiées tant pour les véhicules que pour les transports en commun.
Aux aides en matière d’infrastructures, il convient d’ajouter des aides diverses accordées de manière récurrente à l’Olympique Lyonnais dont certains ont déjà fait l’objet de sanctions par le juge administratif français:
- achats de places de matches et d’abonnements au stade de Gerland
- location de loges au stade de Gerland par la Communauté Urbaine de Lyon
- exonération de la taxe sur les spectacles
- location du stade de Gerland à l’Olympique Lyonnais d’abord à titre gratuit, puis à un prix inférieur au coût des charges assumées par la collectivité publique.
V/ Qualification juridique des aides
La Cour de Justice des Communautés Européennes, dans ses arrêts Walrave et Donà a eu l’occasion d’affirmer que la pratique du sport pouvait revêtir le caractère d’une activité économique. Elle l’a rappelé en 1995 dans l’arrêt Bosman (CJCE 15/12/95).
Au sens du droit Européen, l’aide d’Etat se définit comme une mesure qui attribue un avantage sélectif à certaines entreprises ou à certaines productions ayant pour effet ou pour objet de fausser gravement la concurrence entre les États membres.
A une question écrite posée à la Commission par M. Van den Berg (JO CE n° C 242 E du 9/10/03) portant sur la légalité des aides aux clubs de football professionnels, M. Monti répondait en ces termes :
« Selon la jurisprudence de la Cour de Justice, les clubs de football professionnel doivent être considérés comme des entreprises. Par conséquent, tout soutien financier apporté à ces entreprises relève en principe des règles régissant les aides d’État. (…) la commission a fait valoir que les subventions accordées par exemple par les autorités françaises dans le but de permettre à des jeunes de suivre une scolarité (…) ne constituaient pas une aide. »
La Commission a validé une loi française de 1999 (décision du 25 avril 2001) autorisant les collectivités locales à verser des subventions aux clubs professionnels sans qualification d’aide d’État dans la mesure uniquement où ces aides participaient directement à la formation et à l’éducation.
De même, dans un courrier adressé par la commission en juillet 2002 au gouvernement néerlandais relatif à des aides financières accordées par de nombreuses villes de ce pays pour leur club de football, il a été précisé que de telles aides sont admises uniquement dans les conditions suivantes:
- l’aide doit être conditionnée à l’ouverture du stade à divers utilisateurs (plusieurs clubs, plusieurs évènements)
- l’aide doit constituer le minimum nécessaire pour permettre au projet de se réaliser. Le niveau de l’aide doit être apprécié par un expert indépendant.
Si la commission a pu autoriser des aides publiques en matière d’infrastructures sportives, c’est à la double condition que l’installation réponde bien à un besoin d’intérêt général et ne procure pas, d’une façon ou d’une autre, un avantage à un opérateur déterminé.
Tel est le cas en l’espèce où le stade privé placé entièrement sous le contrôle de l’Olympique Lyonnais (politique commerciale, programmation, gestion) ne répondra à aucun besoin d’intérêt général (le stade actuel de Gerland de 42.000 places, propriété de la ville de Lyon, a fait l’objet de 35 millions d’investissement public pour sa rénovation en dix ans) tandis que la prise en charge du coût de construction des infrastructures d’accès procurera un avantage considérable et exclusif à l’Olympique Lyonnais.
Le gouvernement français avait initialement refusé le principe même d’une aide sous la forme de création d’infrastructures routières financées sur fonds publics au profit quasi exclusif de l’Olympique Lyonnais.
Ainsi, visant la création d’un échangeur routier pour desservir le futur stade de l’Olympique Lyonnais, M. Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports avait indiqué le 10 juin 2008 :
« Ces études concernent également des projets d’adaptation de deux échangeurs existants entre la voirie locale et la rocade EST. (…)
La réalisation éventuelle de ces travaux ayant pour origine un projet privé, aucune participation financière de l’État, qui n’a d’ailleurs pas été sollicité, n’est prévue ».
A l’issue d’une première enquête publique visant à modifier le plan local d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise pour construire le stade, le Commissaire enquêteur désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a émis un avis défavorable en date du 10 juin 2008 sur l’ensemble de l’opération en se fondant notamment sur l’engagement de fonds publics pour favoriser la réalisation d’un stade privé.
Les avis précités sont en droite ligne de l’avis de la Commission qui considère (aides d’État en matière d’installation à câbles JOCE n° C 172 du 18/07/2002) qu’il « incombe par principe aux États membres de définir les services qu’ils jugent d’intérêt économique général. Toutefois, la notion de service d’intérêt général ne peut être étendue à des services qui revêtent un caractère purement commercial et ne répondent pas à des besoins généraux et fondamentaux de la population concernant des services considérés comme un élément essentiel de la vie quotidienne ».
Dans un rapport intitulé « Grands stades Euro 2016 » (novembre 2008) M. Seguin, Président de la Cour des Comptes relève :
«Si un fondement jurisprudentiel (Arrêt Altmark du 24 juillet 2003 de la CJCE) laisse à penser que sous certaines conditions, une contribution publique à un projet est possible, sa mise en œuvre est strictement limitée à la compensation des obligations de service public à la charge de l’intervenant privé ».
La commission présidée par M. Seguin a préconisé « la reconnaissance des grandes infrastructures de spectacle sportif comme services économiques d’intérêt général d’initiative privée au sens de l’article 86 du traité, ce qui leur permettrait de bénéficier de concours publics dès lors que les échanges intracommunautaires ne s’en trouveraient pas affectés ».
Évoquant le souhait de créer dans le droit français un nouveau régime d’aide, il précise :
« L’objet de ce régime serait de conférer par la loi aux clubs (ou autres opérateurs à définir) qui sont porteurs d’un projet de construction ou de rénovation de stade répondant à certaines caractéristiques définies une mission de service d’intérêt économique général leur ouvrant la possibilité de recevoir des concours financiers publics. »
- Seguin rappelle la procédure :
«Ce régime général doit être notifié par le gouvernement français à la Commission européenne, préalablement à sa mise en œuvre. (…) Une grande coopération entre les différents acteurs publics intéressés serait nécessaire pour que le projet de régime général soit approuvé rapidement par la Commission ». (…)
«La Commission Européenne pourrait pour sa part trouver un véritable intérêt à cette démarche, qui lui permettrait à la fois de s’assurer qu’un encadrement convenable est mis en place et d’éviter le risque de devoir gérer des recours après le lancement, voire la réalisation des projets comme cela a pu être le cas pour les aides octroyées dans le cadre de la préparation de la coupe du Monde 2006.
Parmi les mesures d’encadrement que la Commission européenne pourrait souhaiter voir adopter, on peut par exemple penser à des plafonds d’aide par projet en pourcentage et en valeur absolue, ou à des mesures de séparation, comptables ou autres, permettant d’éviter que des aides publiques accordées au bénéfice de la mission d’intérêt économique général ne soient utilisées dans d’autres domaines et aboutissent à des distorsions de concurrence ».
A notre connaissance, les autorités françaises n’on jamais procédé à la notification des aides directes et indirectes accordées à l’Olympique Lyonnais et n’envisagent pas de le faire.
Négligeant la procédure précitée et ses engagements au titre du traité de Rome, le gouvernement français a fait approuver par le parlement en juillet 2009 un régime dérogatoire validant le principe des aides à des clubs sportifs sans contrepartie sous forme d’un article 28 ainsi rédigé :
«Les enceintes sportives figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé des sports destinées à permettre l’organisation en France d’une compétition sportive internationale ou à recevoir à titre habituel, des manifestations sportives organisées par une fédération sportive délégataire (…) ou une ligue professionnelle (…), ainsi que les équipements connexes permettant le fonctionnement de ces enceintes, sont déclarés d’intérêt général, que la propriété de ces installations soit privée ou publique, après avis de l’ensemble des conseils municipaux des communes riveraines directement impactées par leur construction. (…) »
La présente lettre constitue une première saisine sommaire de votre Commission. L’association transmettra ultérieurement soit à votre demande, soit spontanément, tous documents utiles à l’instruction du dossier ainsi que toutes références, avis et notes complémentaires.
Je vous prie de croire, Madame le commissaire, à l’expression de ma très haute considération.