22 années d’activité de CANOL démontrent que la justice administrative française ne remplit pas sa mission. Au lieu de permettre aux citoyens de se défendre contre les abus de leur administration, elle garantit au contraire à celle-ci que ses fautes les plus lourdes lui seront pardonnées sans réparation faite aux citoyens ! En voici les preuves :
- Le Conseil d’État
Présidé par le Premier ministre, le Conseil d’État est le juge de cassation, juge en dernier ressort du respect du droit par les juridictions inférieures.
Nous y sommes allés 4 fois et avons perdu 4 fois pour les raisons suivantes :
- Le non-respect par la ville de Lyon et le Grand Lyon de la loi du 3 janvier 2001 sur l’Aménagement et la Réduction du Temps de travail (ARTT) dans la fonction publique : au lieu des 1 600 heures légales, ces deux collectivités permettaient à leurs agents de ne travailler que 1 568 heures et s’engageaient à embaucher 165 personnes. Cette décision était prise par COLLOMB… qui avait voté cette loi en tant que sénateur ! (cf. CANOL Actualités n° 14)
- Le préfet, chargé du contrôle de la légalité et alerté par nos soins, n’est pas intervenu pour annuler les délibérations illégales : d’autres préfets l’ont pourtant fait dans leur département ;
- Nous avons attendu 22 mois la décision du tribunal. Entre-temps les embauches étaient réalisées !
- La décision du tribunal était favorable, mais COLLOMB a fait appel. Et, au bout de seulement 6 mois, la cour administrative d’appel de Lyon jugeait que, « eu égard à la généralité de son objet, l’association ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de ces décisions. »
- Nous avons fait appel au Conseil d’État, mais après 3 ans d’attente, une commission de ce Conseil a écarté notre admission à cette juridiction, « notre demande n’étant fondée sur aucun moyen sérieux ! ».
Le respect de la loi sur le temps de travail de la fonction publique n’est donc pas un moyen sérieux pour le Conseil d’État.
Nos courriers au ministre de l’Intérieur (M. SARKOZY) et au Garde des Sceaux (M. PERBEN) de l’époque n’ont jamais obtenu de réponse !
Dans ses lettres d’observations, la Chambre Régionale des Comptes s’est bien émue à plusieurs reprises de ce non-respect, mais sans plus de succès que nous !
Le Grand Lyon n’a respecté la loi sur le temps de travail qu’en 2017 et la ville de Lyon ne la respecte toujours pas !
- COLLOMB n’a jamais été sanctionné par l’État. Il fut même nommé ministre de l’Intérieur.
Du fait de cette transgression de la durée du travail, les embauches effectuées ont coûté plusieurs centaines de millions d’euros aux contribuables.
- La vente de l’ancienne gendarmerie de Tarare
Après un appel d’offres non infructueux, la mairie avait obtenu du service du cadastre une évaluation du bien réduite de moitié et vendu le bien sans appel d’offres à une agence immobilière qui employait le premier adjoint de la ville. L’agence n’avait pas encore versé un centime à la ville, malgré les travaux d’aménagement que celle-ci avait déjà entrepris, mais avait déjà vendu la moitié des appartements sur plan ! Les contribuables de la ville étaient ainsi floués de plusieurs centaines de milliers d’euros !
L’action de CANOL, menée avec certains contribuables de Tarare a abouti à une annulation de la vente par le tribunal administratif, et, au pénal, la condamnation de l’adjoint au maire à une sanction financière et 3 ans d’inéligibilité.
- Le maire de Tarare (M. Robert LAMY) a fait appel de ce jugement.
- La cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la deuxième évaluation du service des domaines était respectée et a annulé la décision de première instance.
- Le Conseil d’État, par suite de l’appel des contribuables, a écarté leur admission à cette juridiction, « la demande n’étant fondée sur aucun moyen sérieux ! »
Monsieur LAMY n’a pas brigué un nouveau mandat de maire de Tarare. Il a été nommé consul de France en Thaïlande où son fils possédait plusieurs hôtels.
- Les achats de places de match de l’Olympique Lyonnais par le conseil général du Rhône :
Chaque année, le conseil général du Rhône, présidé par M. Michel MERCIER, achetait à l’Olympique Lyonnais 800 000 euros de places de match au stade de Gerland. Ces marchés étaient censés « faciliter l’accès au spectacle sportif et faire la promotion de l’activité physique dans le Rhône ». CANOL s’étonnait que le Conseil général n’ait retenu qu’un sport et qu’une équipe professionnelle. Pour les années 2008, 2009 et 2010, CANOL avait donc demandé l’annulation de ces marchés. Le Tribunal Administratif n’avait pas retenu les arguments de CANOL, mais la Cour administrative d’appel avait annulé ce jugement, « le Conseil général n’ayant pas procédé à une mise en concurrence préalable ».
- MERCIER, Garde des Sceaux, a formé un pourvoi contre cet arrêt. Ce pourvoi n’a naturellement pas été écarté par la commission d’accès du Conseil d’État. Celui-ci a annulé la décision de la Cour Administrative d’Appel, « ce marché ne nécessitant ni publicité ni mise en concurrence ». Il a même condamné CANOL à verser 3 500 € au Conseil général !
La confirmation de l’annulation de ces achats par le Conseil d’État aurait créé un précédent dangereux puisque toutes les collectivités qui ont une équipe professionnelle de football sur leur territoire lui achètent régulièrement des places de match !
- Les excédents de TEOM perçus par le Grand Lyon :
CANOL a obtenu l’annulation de tous les taux votés de 2011 à 2018 sans que le Tribunal administratif aille au fond du problème. En effet, ce que nous demandions systématiquement était l’appréciation des excédents par rapport au coût réel du service, alors que le tribunal se bornait à regarder l’excédent par rapport à un budget primitif toujours surestimé. Les premières années, l’annulation des taux était même remplacée par l’application des taux 2010, identiques, ce que le Grand Lyon appréciait beaucoup !
Ce n’est que pour les taux 2015 que le tribunal a commencé à ne plus faire appliquer les taux 2010, ce qui a motivé l’appel de la Métropole de Lyon pour les taux 2016. Le jugement annulant les taux 2016 a été confirmé par la Cour. Pour donner suite au pourvoi de la Métropole, l’affaire n’a été traitée que fin novembre 2021 par le Conseil d’État. Celui-ci, contrairement à sa jurisprudence antérieure (arrêt Société CORA) et à l’avis du rapporteur public, a permis d’inclure dans le coût du service des frais de structure déjà couverts par la fiscalité et les dotations de l’État (cf. CANOL Actualités n° 96).
Ce qui diminue l’excédent de TEOM et permet de valider les taux 2016. Le Conseil d’État renvoie le dossier à la Cour Administrative d’Appel de Lyon qui ne pourra pas remettre en cause cette décision.
Cet arrêt annihile toutes nos Actions en Reconnaissance de Droits et donc toutes nos chances d’obtenir le remboursement des taxes versées en 2016, 2017 et 2018, soit 387 millions d’euros.
L’importance de cette somme, qui devait être remboursée par le Trésor Public, a justifié cette décision inique, vraisemblablement sous la pression de Bercy.
Sur 4 dossiers, on constate que :
- Les 2 demandes des contribuables, non-respect de la loi sur le temps de travail et vente de la gendarmerie de Tarare à prix bradé ont été écartées d’emblée par le Conseil d’État ;
- Les 2 demandes formulées par les collectivités (conseil général du Rhône et Grand Lyon) ont obtenu satisfaction… en dépit du non-respect de la légalité (achat de places de match sans appel d’offre et jurisprudence constante TEOM).
- Le préfet
Le préfet est en principe le représentant de l’État et de chaque ministre dans les collectivités territoriales. Nous l’avons contacté souvent préalablement au dépôt de nos requêtes. Quand il agit, ce qui est rare, il nous renvoie à la justice administrative qui apprécie s’il doit en prononcer l’annulation en tant qu’actes « contraires à la légalité ».
CANOL avait alerté le gouvernement par une question écrite (QE 42301) concernant l’inobservation de la loi sur le temps de travail à la ville de Lyon et au Grand Lyon : il nous a été répondu que « le déféré préfectoral est une faculté et non une obligation », c’est-à-dire que s’il ne fait pas correctement son travail en renvoyant à la justice, on ne peut pas le lui reprocher !
Après un rendez-vous sur le même sujet avec le préfet CARENCO, celui-ci nous a répondu par écrit qu’il ne pouvait intervenir sur le sujet compte tenu du degré d’autonomie des collectivités territoriales. On peut se demander alors à quoi servent les lois si le préfet s’abstient de les faire respecter.
Le rôle du Préfet est aussi étrange quand il représente l’État dans le « protocole des partenaires » signé le 13 octobre 2008 entre l’État, le Conseil général du Rhône, le Grand Lyon, le SYTRAL, la ville de Décines et l’O.L., ce protocole entérinant la portée du projet de Grand Stade qui ne se limite pas à la construction du stade, mais inclut deux hôtels, un programme de bureaux et un centre de loisirs.
On ne s’étonnera pas des facilités données à l’O.L. pour construire son complexe sportif.
- La justice administrative lyonnaise : l’exemple du projet de « grand stade » de l’O.L.
Les enquêtes publiques :
La construction du complexe sportif de Décines a fait l’objet de deux enquêtes publiques. La première a formulé un avis défavorable en juillet 2008. La seconde a formulé un avis également défavorable en avril 2010. Parallèlement une enquête publique menée par le SYTRAL pour la desserte de ce stade a elle aussi reçu un avis défavorable. L’Autorité environnementale avait aussi formulé les plus extrêmes réserves sur ce projet.
Malgré ces décisions qui auraient dû enterrer ce projet, le Grand Lyon l’a saucissonné en 9 enquêtes publiques qui ont finalement toutes été acceptées !
La vente des terrains à prix bradé :
Le prix d’achat des terrains estimé en 2006 par l’Olympique Lyonnais lors de son introduction en bourse était de 40 € le m2.
Cinq ans après, le prix de vente estimé par les domaines à la demande du Grand Lyon était en avril 2011 de 30 à 35 € le m2.
Les prix du terrain constatés dans cette zone géographique étaient déjà tous supérieurs à 150 € le m2.
La délibération du 18 avril 2011 du Grand Lyon décidant la vente de 32 ha de terrains à l’O.L. au prix de 40 € le m2 a été attaquée par CANOL et d’autres contribuables. Lors de l’audience du 12 décembre 2012, le rapporteur public a proposé d’annuler cette vente pour manque d’information des conseillers communautaires et soulevé le problème de la sous-évaluation du prix de cession. Le tribunal a bien annulé la promesse de vente, mais a permis sa régularisation par le vote d’une nouvelle délibération sans évoquer le prix sous-évalué !
CANOL et d’autres contribuables ont attaqué la nouvelle délibération votée sans que le service des domaines révise son prix alors que son évaluation initiale ne tenait pas compte de la révision actée 8 mois plus tard du Plan Local d’Urbanisme qui rendait ces terrains constructibles. Dans son jugement du 30 janvier 2014, le Tribunal administratif de Lyon a confirmé sa décision antérieure, feignant d’ignorer que la valeur des terrains n’était plus la même après la révision du PLU. Il a permis ainsi à l’O.L. de réaliser d’énormes plus-values sur le prix des terrains lors de leur revente future.
- Le manque total d’efficacité des jugements compte tenu de la lenteur de la justice administrative
La justice administrative a toujours refusé nos demandes de référés. C’est-à-dire que les dépenses contestées étaient toujours engagées avant d’obtenir un jugement qui intervenait au minimum un an plus tard : dans le cas du non-respect de la loi sur l’ARTT, les embauches étaient faites depuis longtemps quand le jugement a été rendu 2 ans plus tard !
Même quand nous obtenions un avis favorable du tribunal, il n’était pas possible d’obtenir le remboursement par le bénéficiaire des sommes versées.
Quand ce l’était, cas d’achat de places de match à l’Olympique Lyonnais, ce dernier réclamait le dédommagement du préjudice subi… que l’on évaluait à 99% du montant versé !
- L’évolution restrictive de la jurisprudence
Depuis l’« arrêt Tarn et Garonne » du 4 avril 2014, l’intérêt pour agir des associations de contribuables a été restreint : celles-ci doivent démontrer que leurs intérêts ont été lésés de façon suffisamment directe et certaine par le marché contesté.
Il n’est donc plus possible à une association de contribuables d’obtenir un jugement favorable si nous n’arrivons pas à démontrer que la dépense contestée a une influence directe sur la fiscalité. C’est systématiquement le cas quand on conteste une subvention de 500 000 € d’une collectivité dont le budget est d’un milliard d’euros !
Ainsi, quand l’O.L. a rompu le bail de location des terrains d’entraînement de Gerland avant son échéance du fait de la disponibilité de ceux de Décines, ce n’est pas l’O.L. qui a versé une indemnité à la ville de Lyon, c’est cette dernière qui lui a versé 322 111 € !
Le tribunal a jugé que « cette dépense n’étant pas de nature à avoir une incidence significative sur la fiscalité locale des habitants du département du Rhône et de la Métropole de Lyon, l’association CANOL ne peut être regardée comme justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ».
Pour les mêmes raisons, il ne nous est plus possible également de contester les appels d’offre des marchés publics conclus parfois pour répondre à des besoins dont l’utilité est discutable et par ailleurs dont les critères de choix permettent de retenir le candidat en considérant trop souvent le prix comme secondaire donnant ainsi la primauté à des critères qualitatifs très subjectifs.
Beaucoup de nos actions en justice, précédemment gagnées, seraient retoquées aujourd’hui !
- Le service des domaines
CANOL (et bien d’autres) estime que le service des Domaines, qui fait partie des services fiscaux, n’évalue pas les biens en fonction d’un avis indépendant, mais s’adapte trop souvent aux souhaits des élus qui en font la demande.
Cela a été le cas de l’évaluation de la Gendarmerie de Tarare qui, en un an, a divisé le prix par 2, pour faciliter la vente à l’entreprise qui employait le 1er adjoint de la commune.
Cela a été encore le cas pour l’évaluation des terrains du Grand Lyon bradés à l’Olympique Lyonnais : l’estimation des Domaines correspondait au prix estimé 5 ans plus tôt par M. AULAS et ne tenait pas compte de la transformation de terrains agricoles en terrains constructibles !
- La Chambre Régionale des Comptes (CRC)
Elle réalise un bon travail de fond au niveau des collectivités, décelant le non-respect des normes comptables ou légales.
Mais les procédures de contrôles sont bien trop complexes et trop longues si bien que les lettres d’observations arrivent très tard, souvent plus d’un an après le dernier exercice contrôlé.
Les observations de la CRC ne sont pas coercitives, c’est-à-dire que rien n’oblige les collectivités à les suivre.
On l’a vu avec le non-respect de la loi sur le temps de travail du Grand Lyon et de la ville de Lyon. CANOL les a dénoncés dès la signature de l’accord avec les partenaires sociaux. La CRC l’a signalé plusieurs années après, et même plusieurs fois, sans que le maire de Lyon n’impose à ses agents le retour à la norme !
La CRC choisit ses dossiers. Alors que la Cour des Comptes avait rappelé dès 2011 que les collectivités ne devaient pas lever une TEOM plus élevée que le coût du service, la CRC Rhône-Alpes n’a jamais relevé cette illégalité !
Elle ne s’est jamais prononcée sur la construction du stade de Décines ! Le sujet était sans doute trop politique !
- La C.A.D.A. (Commission d’Accès à la Documentation Administrative)
C’est un organisme qui dépend du Premier ministre. Il est chargé de statuer sur l’accès des citoyens aux documents administratifs. Quand on a demandé un document à une collectivité et que celle-ci ne l’a pas transmis ou n’a pas répondu dans un délai d’un mois, on est en droit de saisir la CADA pour savoir si le document demandé est « communicable » ou non. Dans le cas où il l’est, elle vous en informe et enjoint à la collectivité de le fournir.
Le délai qui lui était imparti pour émettre un avis était censé être de 2 mois, mais ce délai ne figure plus sur le site de la CADA !
Il faut dire que, soumise à une avalanche de demandes et faute sans doute de moyens, elle est débordée et le temps de réponse constaté a été souvent proche de 6 mois !
L’état d’urgence sanitaire en a suspendu le fonctionnement pendant plus de 6 mois.
Faute d’obtenir des réponses des collectivités, CANOL a utilisé ses services une bonne vingtaine de fois, et obtenu la plupart du temps une réponse favorable.
Une exception majeure : quand nous avons demandé en 2014 à M. COLLOMB le détail des coûts de structure imputés au service des ordures ménagères, ainsi que la justification des taux pratiqués en fonction de la fréquence des collectes et qu’il n’a pas répondu, la CADA n’a pu les obtenir, car il a prétendu que ces documents n’existaient pas ! Cela paraît peu crédible, et même inadmissible, pour une collectivité de cette taille !
Conclusions
Malgré l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée », tout est organisé en France pour que les citoyens ne puissent demander des comptes à leur administration.
L’expérience de 22 ans d’activité de CANOL démontre que si nous sommes encore en droit de critiquer l’administration française, la justice administrative est organisée pour :
- Donner satisfaction aux citoyens quand la décision a une très faible influence pour les collectivités condamnées ;
- Trouver tous les moyens, même contraires à la légalité, pour évincer les contestations quand les enjeux sont importants ;
- Priver les citoyens d’une réparation des préjudices qu’ils ont subis par suite des erreurs commises par leur administration ;
- Exonérer de sanction les élus ayant commis ces fautes ;
- Dissuader finalement, les citoyens de demander des comptes à leur administration !
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