À peine publiés, la dette et le déficit 2019 sont déjà de l’histoire ancienne. Les repères, qui guidaient l’action publique depuis le début des années 1990, ont volé en éclats sous la déflagration de la crise du coronavirus. La dette s’est ainsi stabilisée sur un an à 98,1 % du PIB et le déficit est limité à 3 %, au lieu des 3,1 % annoncés. À ceci près que la légère amélioration constatée s’explique surtout par la chute des taux d’intérêts et donc par la baisse de la charge de la gigantesque dette publique.
Face à une épidémie et faute d’anticipation de dispositions sanitaires, le gouvernement a choisi de confiner indistinctement et longuement la majeure partie de la population même non touchée par le virus : cela plonge le pays d’autant plus en récession et la promesse de dépenser quoi qu’il en coûte pour en limiter les effets est loin d’être rassurante pour les finances publiques.
Bruno Le Maire n’hésite d’ailleurs plus à comparer la crise de 2020 à celle de 1929 , synonyme de récession et de chômage de masse. Car la croissance française s’apprête à connaître un violent coup d’arrêt, une chute du PIB de 4,3 %, estimation basse en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. Le déficit pourrait atteindre 6,3 % en fin d’année si le PIB se contracte d’environ 5 % (7 ou 8% pour un trimestre de confinement). Dans ces conditions, le risque d’un envol de l’endettement est plus que probable à 110% en 2020 puis 120 % du PIB fin 2024.
La France prévoit, pour l’instant, une « relance » budgétée de 49 milliards d’euros, ce qui devrait creuser nos finances publiques avec un déficit à -96,4 milliards d’euros (estimation provisoire) en 2020, contre un prévisionnel de -54,6 Mds.
En comparaison, les excédents allemands accumulés en haut de cycle donnent nécessairement plus de force financière et budgétaire à l’Allemagne pour contrer la crise. Elle se retrouve, par sa bonne gestion budgétaire passée, en capacité de soutenir bien plus massivement son économie en temps de crise. Les députés allemands ont adopté un plan de sauvetage «historique» de près de 1100 milliards d’euros «sans précédent pour l’Allemagne depuis la deuxième guerre mondiale», selon les mots ministre des Finances Olaf Scholz à la chambre. D’ores et déjà, il y a création d’un fonds de secours pour les grandes entreprises, 600 milliards d’euros, une augmentation de 357 milliards d’euros pour garantir 822 milliards d’euros de prêts ; Et une rallonge de plus de 100 milliards d’euros d’aides, notamment à l’attention des petites entreprises ou des salariés. L’Allemagne va emprunter 156 milliards d’euros notamment pour compenser un recul de ses recettes fiscales mais aussi assurer la survie des grandes entreprises et aussi empêcher qu’elles ne tombent dans les griffes d’investisseurs étrangers. Berlin va aussi financer une série de mesures sociales, report de paiement des loyers ou assouplissement du recours au chômage partiel qui devrait toucher plus de deux millions de personnes.
L’État français lui prévoit peu, et devra rendre des comptes aux citoyens. Il devra dire pourquoi il est aussi démuni et expliquer pourquoi en dépit de nos 1 300 milliards d’euros de dépenses publiques par an, dont 610 milliards d’euros au titre de la Sécurité sociale (2ème budget au monde de dépenses de santé), nous avons quinze fois plus de décès qu’en Corée du Sud, avec 47 morts par million d’habitants. A ce stade, il a été incapable de fournir des masques, des tests, du gel, des blouses, des lits, des respirateurs, des logements pour les soignants des maisons de retraites. Il devra expliquer pourquoi il a mis le pays entier en confinement.
Il devra expliquer pourquoi il a pendant des années, dilapidé des fortunes en subventions, en remboursements, en paix sociale. Il devra expliquer pourquoi il a confié les rênes du pays à des comités Théodule rongés par les lobbies, les egos, les intérêts personnels, le carriérisme et les luttes de pouvoir.
Les plus mauvaises conséquences et les pires distorsions structurelles, peuvent être évitées si le gouvernement profite de la subvention des banques centrales pour rééquilibrer son budget, réformer sa fiscalité, assouplir sa bureaucratie et adopter des règles strictes de responsabilité fiscale.
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