Le Revenu de Solidarité Active (RSA) est une allocation destinée à garantir à ses bénéficiaires un revenu minimum, en contrepartie duquel ceux-ci doivent s’engager à trouver un travail ou à suivre un projet professionnel visant à améliorer leur situation financière. Il a remplacé au 1er juin 2009 le RMI (Revenu Minimum d’Insertion), créé le 1° décembre 1988.
A la différence du RMI, le RSA n’est pas octroyé à l’individu, mais à un foyer. Il tient compte de l’ensemble des revenus et allocations de ce foyer. Il a donc également remplacé l’API (Allocation de Parent Isolé).
Le RSA a donc un double but : réduire le nombre de travailleurs vivant au-dessous du seuil de pauvreté et inciter les allocataires à reprendre une activité.
Le dossier complet, comment ça marche, le traitement administratif, l’aide à l’insertion, le financement , l’évolution et les coûts, est à lire sur notre site canol.fr . En voici les conclusions :
Complexité du projet :
Le RSA s’adresse maintenant à une famille, contrairement au RMI qui s’adressait à un individu. Ceci complique obligatoirement les formulaires de demande, les contrôles, les mises-à-jour plus fréquentes, et a augmenté de près de 50% le nombre de dossiers acceptés, sans compter le traitement des demandes injustifiées. Les bénévoles de CANOL qui ont étudié ce sujet ont passé beaucoup de temps pour essayer d’en comprendre le fonctionnement.
La complexité de l’organisation mise en place :
Au lieu de centraliser un processus qui était national et obéissait à des règles nationales avec des évolutions fréquentes, on a donné la responsabilité de l’opération aux départements en saucissonnant les opérations, puisque les Caisses d’Allocations Familiales et la Mutualité Sociale Agricole (MSA) traitent une partie des demandes et des contrôles, reçoivent et traitent les mises-à-jour trimestrielles et sont chargées d’effectuer les paiements. Les CAF et MSA ne sont pas sous l’autorité du Département du Rhône mais sous celle de la CNAF. Il reste au département à consolider le tout et à traiter les nombreuses anomalies détectées. Mais où est donc le pilote ?
Les difficultés rencontrées pour les demandeurs :
Les dossiers de demande sont complexes : 6 pages à remplir + les pièces à fournir. La majorité des demandeurs éprouve beaucoup de difficultés à les remplir, accrues pour certains du fait d’absence de maîtrise de la lecture et de l’écriture du français.
D’après Le Monde, 30% des non-recourants au RSA qui connaissent le dispositif et pensent pouvoir en bénéficier préfèrent y renoncer. Les « déclarations trimestrielles de ressources » arrivent souvent tardivement et parfois incomplètes.
Les difficultés pour la saisie et le traitement des informations :
Chaque département a mis en place sa propre organisation avec son propre programme informatique. Dans le Rhône, les demandes sont traitées non seulement par la CAF et les 200 points d’accueil des MDR (Maisons Départementales du Rhône), mais aussi par la MSA, des CCAS et certaines associations. Cet éparpillement des responsabilités est naturellement source d’erreurs.
Les CAF et les départements utilisent des fichiers distincts et, comme indiqué dans le rapport de la Cour des Comptes du 18/07/10 intitulé « Du RMI au RSA : la difficile organisation de l’insertion », dans le Rhône, « le rapprochement entre les données issues du traitement de la CNAF et les fichiers du département ne se font pas sur un numéro de matricule (numéro de sécurité sociale par exemple), mais sur le nom et l’adresse du bénéficiaire (pas facile pour les noms étrangers !), que ce traitement dure 6 jours et que la CNAF décide de manière unilatérale de modifier le format et les données envoyées aux conseils généraux selon une méthode et un calendrier qu’elle seule maîtrise », on comprendra que le système ne peut pas fonctionner correctement et coûte très cher en moyens humains et financiers ; des sous-traitants en informatique sont largement mis à contribution.
Une des conclusions de ce rapport indiquait : « il est urgent d’élaborer par un travail commun, Etat/collectivités, des outils de gestion adaptés… Les incohérences, inadaptations génératrices d’erreurs, d’indus, d’incompréhension, de gaspillage financier en matière de RMI, puis de RSA sont à corriger d’urgence. Il ne s’agit pas d’imposer un système unique, mais de définir des normes de cohérence, d’édicter des normes d’interopérabilité et de ne pas les faire varier en continu. Depuis l’origine, la décentralisation a été mise en place en dehors de toute préoccupation de gestion adaptée ».
Quand on saura que c’est le Département du Rhône qui remet chaque mois un chèque à la CAF pour lui permettre de verser les allocations dues, on comprendra que des discussions épineuses aient lieu sur le montant exact à verser !
Nous n’avons pas pu trouver quels étaient les contrôles effectués pour vérifier la véracité des informations fournies.
Le programme d’insertion du Rhône :
La gestion des droits des allocataires mise à part, les départements ont en charge leur accompagnement afin de les inciter et les aider à reprendre une activité rémunérée. Pour ce faire ils ont mis en place avec des partenaires sociaux et des associations d’insertion, un accompagnement personnalisé dans le domaine professionnel et dans le domaine social afin de rendre 32 000 des 46 000 allocataires aptes à reprendre une activité salariée (les 14 000 autres ayant déjà une activité salariée partielle).
Ces 32 000 allocataires sont suivis individuellement par un référent chargé de les aider à se retrouver en capacité de trouver un emploi.
Le financement
Le RMI et le RSA devaient être financés par l’Etat, au centime prêt, d’abord avec une fraction de la TIPP, ensuite avec l’augmentation de 1,1% de la contribution additionnelle au prélèvement social.
Ces 2 ressources variant de façon non coordonnée avec le chômage et les besoins de financement du RSA, le déficit a tendance à s’accentuer ces dernières années (76M€ en 2011 !).
Les chiffres et le coût du RSA pour le département du Rhône, fin 2011 :
Le nombre d’allocataires du RSA était de 43 624 selon les rapports d’activité de la direction de l’insertion du conseil général… mais de 46 138 selon les statistiques nationales (le Rhône aurait donc perdu 2 512 allocataires du fait de son traitement séparé des données !).
La croissance du nombre de bénéficiaires a été de 6,6% en un an, mais les allocations versées n’ont augmenté que de 4,2%.
D’après le compte administratif, ce dispositif a coûté 200 M€ et a perçu 124 M€ de recettes, soit un déficit de 76 M€. Mais, dans les comptes, 21,8M€ de TIPP perçus ne sont pas affectés à ce service.
Sur les 200 M€, les allocations versées représentent 166 M€ en et 34 M€ correspondent au coût de la gestion et de la mise en place du programme d’insertion.
Si on compare ces montants avec les statistiques nationales, on constate que les allocations versées par allocataire sont supérieures de 3,7% dans le Rhône, ce qui est peut-être dû à la non-fiabilité des chiffres, mais que les autres dépenses d’insertion (34 M€), bien qu’en régression régulière depuis 3 ans, sont de 41,5% supérieures à celles relevées en moyenne dans les autres départements métropolitains (765 € au lieu de 541 €). Si le département du Rhône consacrait le même montant par allocataire que les autres départements français, il économiserait 9,8 M€…
Pour quels résultats ?
Le département du Rhône se montrant plus généreux dans son programme d’insertion que les autres départements français, on pourrait supposer que son action soit plus efficace qu’ailleurs et que cela s’en ressente dans les résultats de son programme.
Or aucune information n’est publiée sur les résultats obtenus : ni dans le rapport annuel de la direction de l’insertion, ni dans la présentation du programme départemental d’insertion faite chaque année aux conseillers généraux.
Il faut dire que, dans ce domaine, il n’y a pas de référence, puisque rien non plus n’est publié sur le sujet au niveau national.
L’Etat français lance donc des programmes en y mettant des sommes considérables, près de 8 milliards d’euros chaque année (soit 2 milliards de plus que ce qui avait été annoncé à son lancement !) sans fixer d’objectif précis. On ne mesure évidemment pas s’il y a réduction du nombre de travailleurs vivant au-dessous du seuil de pauvreté et si l’incitation des allocataires à reprendre une activité porte ses fruits.
Les politiques de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, celle de l’emploi et celle de l’immigration étant toutes décidées par l’Etat et non par les départements, il appartenait à l’Etat de mettre en place le RMI et le RSA sur un plan national et à le financer directement. et non de le confier à des collectivités qui n’ont jamais fait preuve de leur capacité à gérer efficacement des programmes de ce type (cf les études de CANOL sur l’Aide Personnalisée à l’Autonomie et sur la Maison Départementale des Personnes Handicapées, qui en ont plusieurs fois apporté la preuve !).
Les élus départementaux français, malgré leur désir de justifier le maintien de l’existence des départements et la leur par la même occasion, n’auraient jamais dû accepter ce fardeau !
Quelles propositions de la part de CANOL ?
Quand nous avons étudié un dispositif, comme nous l’avons fait pour l’Aide Personnalisée à l’Autonomie ou la Maison Départementale des Personnes Handicapées, nous avons pu faire des suggestions d’organisation puisque leur gestion était purement locale.
Dans le cas du RSA, nous avons affaire à « une usine à gaz » que personne ne maîtrise, ni l’Etat, ni le Département et les seuls remèdes possibles semblent être de mettre quelques rustines à droite ou à gauche pour éviter le pire !
Le seul vœu que nous pourrions émettre est que le Département du Rhône laisse à la CAF la gestion complète de la partie « allocations », y compris les paiements, et s’occupe uniquement du suivi des allocataires par les référents.
Aucune des prestations sociales, dont les règles de cumul sont de plus d’une folle complexité, n’est incluse dans le revenu annuel imposable des ménages. Résultat : il est impossible de savoir quel est le montant total des ressources versées par foyer. Nous estimons qu’il faudrait instituer de façon générale la fiscalisation des prestations reçues en espèces, comme la Fondation iFRAP l’a souvent évoqué. Au plan pratique, la fiscalisation serait le moyen de connaître avec précision le montant des revenus d’assistance de chacun.
Quel avenir (ou quelle catastrophe) pour le RSA ?
On voit circuler sur internet un comparatif entre deux familles de 5 personnes qui montre qu’en additionnant revenus, dépenses et exonérations, il vaut mieux être au RSA que salarié…
Et qu’adviendrait-il si, comme le pensent nos ministres, tous les ayant droits demandaient à bénéficier de ce statut. 50% des personnes, soit un potentiel de 3 500 000 personnes au lieu des 1 870 000 actuels !
Et qu’en serait-il encore si, comme il en est également question, le SMIC disparaissait, laissant le RSA comme seul facteur d’ajustement des bas revenus ?
On attribue aux Anglais (ou aux Chinois) ce merveilleux proverbe : « Donne un poisson à un homme, il aura à manger pour un jour ; apprends-lui à pêcher, il aura à manger pour tous les jours de sa vie. » Ce dicton (l’une des formules emblématiques de la Fondation abbé Pierre) est devenu l’illustration de ce que l’assistanat en France n’est pas. La générosité publique française, la plus importante du monde, donne à tout va mais n’apprend pas.