La Cour des comptes se devait de faire un bilan après les lois de réformes territoriales votées en 2014 et 2015, (Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics). Il constate que leur mise en oeuvre n’est toujours pas achevée aujourd’hui, l’échelonnement du processus induisant un grand chantier de réorganisation institutionnelle et administrative avec d’importants coûts de transition. Un rapport d’inspection IGF-IGA305 (inspection générale des finances et de l’administration) de fin 2014 avait d’ailleurs prévu trois grands domaines de surcoûts : le pilotage et la conduite du changement, les dépenses liées à l’immobilier et à la mobilité des agents et l’intégration des systèmes d’information.
Cette réforme des territoires devait permettre le transfert de compétences des départements aux régions mais elle engendre des surcoûts qui provoquent un bilan financier incertain à terme, notamment l’harmonisation des rémunérations et du temps de travail est inégale selon les régions : Souvent faite « par le haut des régimes indemnitaires, du temps de travail et des politiques publiques. ». Par ailleurs la clarification des compétences reste très timide, en particulier celles en provenance des départements. Seuls 3,9 % des dépenses de fonctionnement des départements ont été remontées à la région et les métropoles n’ont repris que 0,3 % de ces dépenses, esquivant les objectifs de la loi.
Si la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions représente une avancée, le mouvement de rationalisation reste inachevé. Il recèle toutefois des potentialités intéressantes en matière de coopération entre collectivités. Les métropoles, conçues pour être des « locomotives » du développement régional, disposent de capacités d’action considérables mais des conflits de compétences peuvent apparaître. À cet effet, la loi de finances pour 2016 a porté de 25 % à 50 % la part du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) allouée aux régions et réduit corrélativement celle des départements de 48,5 % à 23,5 %. Ce transfert représente un montant de 3,85 Md€ sur la base des recettes de 2016, nettement supérieur aux charges effectivement transférées (2,28 Md€), soldé par le versement d’une dotation de compensation par les régions.
Le schéma lyonnais de « métropolisation » des compétences départementales est porté en exemple, ambitieux et louable dans son objectif, il reste pourtant beaucoup à faire en matière d’intégration. La Cour recommande que soient analysées les conditions de reproductibilité de ce schéma visant à simplifier la répartition des compétences. Un statut qui ne suffit pas à en faire des moteurs de croissance, L’exemple du maillage métropolitain de la région Auvergne-Rhône-Alpes est significatif : alors que deux métropoles existent déjà (Lyon et Grenoble), deux nouvelles pourraient être créées, (Saint-Etienne et Clermont-Ferrand).
La fusion des régions a conduit à additionner les moyens des anciennes entités mais n’a pas donné aux nouvelles régions des compétences sensiblement étendues au point de rivaliser avec les grandes régions européennes des pays voisins. Ainsi, le seul budget de la Bavière correspondait en 2015 au double du budget de l’ensemble des régions françaises, ce qui reflète les importantes différences d’organisation institutionnelle.
Reprenant les comptes 2016 des collectivités, leurs dépenses (225,5 milliards d’euros) ont reculé de 1,1 % alors que leurs recettes (229,7 milliards) ont progressé de 0,2 %, donc sans la forte croissance des produits fiscaux de 2015. « Il y a une prise de conscience des élus locaux », a salué le premier président de la Cour, Didier Migaud, tout en jugeant cette amélioration « fragile ».